M. Hwang a-t-il perdu
le prix Nobel ?
out semblait ecrit. Le professeur Hwang Woo-suk aurait un jour le prix Nobel de medecine et de physiologie. Ses resultats spectaculaires obtenus en matiere de clonage humain a visee therapeutique et le soutien total de son gouvernement faisaient de ce Sud-Coreen le candidat ideal pour recevoir la distinction supreme. Au faite de sa renommee internationale, il inaugurait le 10 octobre un consortium mondial sur les cellules souches humaines. A cette occasion, le professeur Gerald Schatten (universite de Pittsburgh), un biologiste presente comme un proche du chercheur sud-coreen, saluait cette avancee dans le prestigieux New England Journal of Medicine. Selon lui, le centre de Seoul allait, chaque annee, produire une centaine de lignees de cellules souches embryonnaires correspondant chacune a une maladie humaine, ouvrant ainsi de nouvelles et vastes perspectives! therapeutiques.
Or, trois semaines plus tard, le meme Gerald Schatten vient de faire savoir que, apres vingt mois d'echanges fructueux, il renonce a toute forme de collaboration avec son collegue sud-coreen. Pour justifier sa decision, il accuse publiquement ? chose rarissime dans le milieu scientifique ? le professeur Hwang Woo-suk d'avoir failli aux regles de l'ethique. Il explique en substance avoir eu connaissance de faits graves concernant les conditions dans lesquelles, durant l'annee 2004, le chercheur se serait procure des ovocytes humains, ces cellules sexuelles feminines indispensables a la creation d'embryons par clonage et a l'obtention de lignees de cellules souches. Le professeur Schatten laisse entendre que le chercheur sud-coreen aurait conduit certains de ses travaux a partir d'ovocytes preleves sur une ou plusieurs jeunes femmes travaillant sous son autorite.
LE CHERCHEUR IDEAL
Le professeur Hwang a fait savoir qu'il n'a rien a se reprocher et qu'il repondra, le moment venu, aux accusations dont il fait l'objet. Pour l'heure, apres avoir recu un prix en Californie, il est attendu dans la soiree du jeudi 24 novembre a Paris, au Theatre des Folies-Bergere, pour etre nomme "Homme de l'annee 2005". Avant meme que le scandale eclate, Xavier Bertrand, ministre de la sante et des solidarites, avait fait savoir qu'il ne participerait pas a cette soiree.
Les accusations du professeur Gerald Schatten font suite a une serie de rumeurs nees apres les premiers succes de l'equipe sud-coreenne. Les chercheurs expliquaient avoir eu recours a la stimulation hormonale des fonctions ovariennes de 16 femmes et avoir ensuite recueilli, par ponction, un total de 242 ovocytes. Chacun d'entre eux a ete enuclee, leur noyau etant remplace par celui d'une cellule issue de la meme donneuse. Ils avaient ainsi obtenu 30 embryons clones.
Les chercheurs coreens avaient alors tenu a preciser que les 16 femmes chez lesquelles les ovocytes avaient ete preleves etaient volontaires, non remunerees et informees des modalites de l'experience et de son objectif.
Les memes assurances avaient ete renouvelees en mai, lorsque l'equipe du professeur Hwang annoncait avoir franchi une etape majeure dans la maitrise des techniques qui ouvriraient la voie au clonage a visee therapeutique. Ces chercheurs avaient augmente le rendement de leur technique et obtenu 11 lignees de cellules souches immunologiquement compatibles avec les personnes chez lesquelles les cellules somatiques avaient ete prelevees. S'inscrivant dans une approche therapeutique, ils avaient en outre preleve ces cellules chez des personnes souffrant de maladies degeneratives ou de lesions traumatiques de la moelle epiniere.
Les accusations visant le professeur Hwang Woo-suk ne remettent pas en question les acquis de ses recherches. Elles conduiront toutefois a nuancer le portrait de cet homme presente comme le chercheur ideal. Elles deboucheront aussi vraisemblablement sur l'enquete reclamee par les responsables de l'Association asiatique de bioethique. Une enquete dont les conclusions diront si le professeur Hwang Woo-suk a ou non perdu toutes ses chances de devenir, un jour, laureat du Nobel.